Ce projet a été réalisé dans le cadre du cours "Sociologie de la culture" de l'Université Paris Saclay (Niveau M2).
L'offre sur les marchés culturels étant strictement supérieure à la demande du fait du temps limité du public, la critique peut jouer un rôle essentiel dans l'établissement de la valeur des œuvres culturelles. Pourtant, l'influence de la critique sur le succès populaire n'est pas évidente, bien que la critique et le succès populaire soient corrélés avec le budget dispensé dans l'œuvre. L'attention médiatique aurait un impact davantage conséquent. On entend par la diffusion médiatique le fait que les individus et les institutions soient informés de l'existence du film, la critique les jugements appliqués aux œuvres, et le succès populaire le fait que les personnes aillent voir le film.
La critique en ligne apporte de nouvelles dimensions. En particulier, l'évaluation publique. Cela peut donc redonner une nouvelle dimension à la diffusion des hiérarchies culturelles ainsi qu'à la production de la valeur artistique. D'autant plus que les conseils interpersonnels ont un rôle important dans l'évaluation artistique que les individus portent à un film. Ainsi, cette évaluation publique pourrait potentiellement avoir cet effet de légitimité par les pairs. De plus, on pourrait aussi voir ces notes comme une autre indication du succès d'une œuvre que le nombre d'entrées au box-office. Cependant, on sait que le succès populaire est aussi corrélé à l'impact médiatique. Ainsi, on ne peut pas non plus exclure le rôle d'acteurs d'influence plus larges qu'un individu. Par suite, il serait intéressant d'investiguer le lien entre critique de la presse et critique des spectateurs pour comprendre comment s'intriquent ces deux tendances.
Dans quelle mesure la critique médiatique impacte-t-elle l'évaluation en ligne effectuée par le public ?
Pour produire les analyses que l'on va détailler dans un second temps, on va s'appuyer sur une base de données issue d'Allociné. Elle contient entre autres, pour 102910 films, l'année de production, une note moyenne attribuée par la presse, une note moyenne attribuée par les spectateurs, le budget, la nationalité et la présence de récompenses. En retirant les films ne présentant pas de note de presse ou de notes de spectateurs, on n'a alors plus que 12647 films. Cela tendra à légèrement surreprésenter certains films : ceux étant plurilingues.
D'un point de vue descriptif, les notes de la presse et des spectateurs semblent corrélées. Par une régression linéaire, on s'aperçoit effectivement que l'effet de la note de la presse est significatif au seuil de 1% sur la note attribuée par les spectateurs.
La note n'est pas corrélée à la récompense. Pourtant, on sait que certaines institutions ont un certain prestige. Par exemple, le festival de Cannes joue un rôle non négligeable dans la valorisation des œuvres cinématographiques ainsi que dans leur diffusion sur les marchés artistiques. Ainsi, on peut supposer qu'il y a probablement une hétérogénéité des récompenses et des distinctions. Cependant, on ne peut pas le mesurer ici du fait des limites dans la base de données qui nous indiquent seulement si oui ou non un film a reçu une quelconque distinction. Également, le budget n'est pas corrélé à la note de la presse. Cela peut sans doute s'expliquer par le fait que nous avons dû exclure dans les valeurs manquantes des films moins diffusés, donc avec moins de budget, qui n'ont pas pu recevoir de notes de la presse. Ainsi, il y a un probable biais de sélection.
Dans un second temps, une régression de la note du public sur la note de la presse et le nombre d'entrées au box-office a été effectuée. Les deux variables ont un effet statistiquement significatif au seuil de 1%. Le rôle de la note de la presse reste plus fort (beta = 0.37, contre beta =0.07 pour le nombre d'entrées). (Les variables ont été standardisées pour comparer les ordres de grandeur).
Les notes des spectateurs sont probablement influencées par la presse. Cependant, les mécanismes à l'œuvre sont inconnus, d'autant plus que certains résultats sont étonnants en termes de récompense et de budget.
Ainsi, ce travail présente de nombreuses limites. Tout d'abord, il suppose une homogénéité des publics et de la presse. Or, des registres de légitimité culturelle et des logiques de distinction à l'œuvre montrent que ce n'est pas le cas. Ensuite, il aurait été intéressant d'intégrer d'autres variables de contrôle que nous n'avons pas à disposition. Par exemple, des effets de mimétisme : une manipulation aléatoire des réactions sur les réseaux sociaux montre que des effets de mimétisme positifs ou négatifs sont à l'œuvre dans les réactions. Dès lors, les premières notes données sur AlloCiné risquent d'influencer les suivantes. Ainsi, il aurait été intéressant de pouvoir contrôler par la valeur des premières notes des spectateurs. On aurait pu également chercher à contrôler par : le nombre de projections ou de cinémas où sont diffusés les films, le nombre de semaines en salle, la diffusion par DVD ou streaming, etc. afin d'identifier les biais de note liés aux différences de diffusion. Enfin, notre échantillon, du fait de ses valeurs manquantes, tend à davantage représenter des films bénéficiant d'une diffusion plus large.
L'entièreté du projet est disponible via le lien Github suivant :
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